Comme annoncé en novembre 2024, les comités locaux de notre journal ont été restructurés pour soutenir ou initier des Comités Populaire d’Entraide et de Solidarités (CPES), dans les quartiers où nous sommes implantés. Cela concernait alors les comités de Rennes, Limoges, Nantes et Aubervilliers, prenant exemple sur les méthodes de travail des CPES de Toulouse et de Lyon. Nous sommes heureux d’annoncer que cette décision commence à porter ses fruits, avec la fondation d’un premier CPES, à Rennes, ce mercredi 16 avril.
Des « voisins en colère » au CPES de Villejean
Dans le quartier de Villejean, les habitants s’organisent principalement pour de meilleures conditions de vie, auprès des bailleurs sociaux. Après le lancement d’une pétition sur le chauffage au mois de décembre, un collectif « voisins en colère » s’est constitué, menant une action d’envahissement et d’occupation du bailleur social Espacil, le 4 avril, que nous avions également relayée. Suite au succès de cette action, le collectif « voisins en colère » a décidé de soutenir la fondation d’un CPES dans le quartier, pour répondre au besoin de lien social et d’entraide, en parallèle de soutenir les luttes du quartier.
Ce mercredi 16 avril, une trentaine d’habitants se sont réunis, profitant des vacances scolaires, en Assemblée populaire de quartier. Une présentation du travail des autres CPES a été faite, notamment de la lutte contre les démolitions au Mirail (Toulouse), pour les rénovations au quartier des Etats-Unis (Lyon), pour la sécurité incendie et la vie de quartier à la cité DDF (Delaunay Duclos Fabien, à Saint-Denis). Un petit film sur les luttes de l’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU) de Roubaix a également été projeté, avec un court exposé sur la résistance que mènent les habitants sur place, face au projet de destruction de leur quartier.
Un rapide historique de l’organisation de quartier a aussi été fait, avec l’exemple de l’Association des Résidents de Villejean (ARV), très active dans les années 1970, dans la lutte pour la viabilité du quartier. L’ARV avait été à la pointe sur les revendications auprès des bailleurs, et de l’unité construite entre habitants locataires et propriétaires. C’est également à l’ARV que les habitants doivent le marché hebdomadaire de Villejean, le vendredi matin. L’ARV éditait à l’époque le journal de lutte « Vivre à Villejean ».

Après avoir voté à l’unanimité la fondation du « CPES Villejean » et adopté une déclaration de principes, les habitants (surtout habitantes), ont partagé un petit apéritif, discutant des problèmes des uns et des autres, et des projets à venir dans le cadre du Comité Populaire. Nous partageons ici la Déclaration de principes qui nous a été transmise :
Le quartier de Villejean aujourd’hui
Aujourd’hui, la vie associative du quartier est très active, mais reste éloignée des habitants, la plupart des associations sont de fait sous perfusion de l’État et fonctionnent grâce à quelques salariés ou des contrats précaires, mais beaucoup peinent à fonctionner quotidiennement avec des habitants volontaires et moteurs. De fait, Villejean devient donc un quartier dortoir, où gens sont passifs dans la vie de quartier et connaissent peu leurs voisins.
Depuis quelques mois, les conflits entre bandes rivales liées au trafic de drogue accentuent cette réalité, comme nous l’avions déjà couvert. La mairie et l’État prétendent répondre au problème avec des patrouilles de police quotidiennes sur le quartier, multipliant les contrôles abusifs et la suspicion. Ce jeudi 17 avril, une attaque surprise à la kalashnikov, faisant quatre blessés, a montré l’inutilité totale de la réponse policière.
Du côté de la mairie de quartier, depuis février, il a été décidé d’interdire tout regroupement ou rassemblement de la dalle Kennedy, le cœur du quartier. Cette décision est assumée avec la préfecture, un arrêté d’interdiction étant en vigueur jusqu’au mois d’août. C’est ainsi que prenant motif de la lutte contre la drogue, un défilé de mode d’habitantes du quartier (le collectif KUNE) avait été interdit le 8 mars dernier, au motif qu’il serait « trop politique » de rendre visible des créations d’habitantes ce jour-là.
Quoi qu’il en soit, à contre-courant des autres médias, nous pensons qu’il est important de ne pas laisser le monopole des informations des quartiers sur les guerres de cartels. A Villejean, les habitantes et habitants ont des problèmes quotidiens qui ne font jamais les gros titres. Ils et elles prennent leurs affaires en main, s’organisent et luttent, contre vents et marées. La nouvelle de la fondation du CPES de Villejean prend le contrepied autant des plans des pouvoirs publics et des bailleurs, que de ceux des cartels. Le quartier de Villejean n’est pas mort, c’est un tout nouveau chemin qui se trace.

