Il a bien fallu plusieurs années de luttes, dont des manifestations, des occupations, des sabotages d’engins de chantier et des recours à n’en plus finir.
Des personnes y ont même failli y laisser leur vie, comme les « écureuils » (militants occupants les arbres sur le tracé de l’autoroute). D’autres sont même passés par la case prison comme Louna, femme trans enfermée dans une prison pour hommes pour son engagement contre l’A69.
Mais le 27 février, la réponse est tombée au tribunal administratif de Toulouse : l’A69 n’aura pas lieu.
Mais pourquoi s’opposer à une autoroute?
« Quand Américains et Chinois rivalisent dans l’IA et la conquête spatiale, la France, engluée dans un fer normatif et juridique qui rend tout projet impossible, ne parvient plus à construire une simple autoroute… » tweetait Bardella le 27 Février, comme un fidèle chien de la bourgeoisie.
N’empêche que « le progrès » n’a pas de sens si il n’est pas démocratique et ne permet pas l’amélioration des conditions de vie des masses. En effet, quel progrès dans un projet qui propose de gagner 10 minutes sur un trajet de 50 minutes aujourd’hui entre Toulouse et Castres, tout ça à un prix de 17,70 euros? Quel progrès quand 61% des habitants du Tarn et de la Haute-Garonne étaient en 2023 contre le projet, et favorables à un référendum? Quel progrès lorsque l’Etat applique les projets de monopoles privés impérialistes comme Pierre Fabre (principale entreprise de Castres) et Atosca (concessionnaire de l’A69) en prétextant un développement économique de la zone, alors qu’il a lui-même saboté l’industrie du textile dans le Sud Tarnais?
Sans parler du mépris fait à la population de Castres-Mazamet, l’agglomération ayant été décrite par Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, comme « gangrénée par la pauvreté » et donc à désenclaver. Les habitants de la zone ne sont pourtant pas contre le développement, ayant eux-mêmes réclamés depuis plusieurs années une amélioration de la desserte en train Toulouse-Mazamet (doublement et électrification des voies) et une amélioration des aménagements routiers entre Castres et Toulouse. Mais la bourgeoisie ne veut que le profit et est capable de réprimer à mort pour y arriver, c’est une dynamique que l’on peut déjà observer dans le Tiers-Monde comme au Mexique, au Brésil ou au Congo.
Mais parlons aussi de l’aspect environnemental de cette autoroute. L’effacement d’écosystèmes fragiles comme les nombreuses zones humides sur le tracé ou encore la suppression de terres agricoles est une catastrophe écologique, qui va aussi avoir ses répercussions sur les humains.
L’artificialisation des sols nous prive de surfaces devenant rares pour produire de la nourriture,
et aussi, augmente la sécheresse écologique, les sols retenant moins l’humidité, la végétation a moins d’eau disponible.
Notons que de base, le climat méditerranéen dégradé océanique du Tarn et de la Haute-Garonne perd du terrain avec le réchauffement climatique, avec pour l’horizon 2050, un climat proche de celui de Madrid (avec beaucoup plus de sécheresses et des moyennes maximales en été qui passeraient de 29°C à 33°C) dans la région. Pas sûr que cette autouroute participe à l’adaptation à ces changements d’envergure… Tous ces facteurs auront aussi pour conséquence un dérèglement des écosystèmes, donc moins de diversité écologique ce qui aura, comme tout, un impact notamment sur l’agriculture, secteur déjà fragile dans le Sud. Nous devons faire le lien avec les récentes manifestations des agriculteurs pour mieux comprendre les enjeux.
Quel que soit le point de vue, la bourgeoisie ne propose que barbarie et nous fait foncer dans un gouffre en refusant des adaptations sérieuses au réchauffement climatique.
Mais heureusement cette victoire, sur le terrain de la lutte, nous permet de riposter et de reprendre le contrôle du train. Cette victoire, a été obtenue grâce à une alliance de différents secteurs de luttes, allant des scientifiques au milieu militant, en passant par les avocats, les paysans locaux (dont certains ont prêté leurs terrains pour les ZàD) et les habitants de Castres-Mazamet. Mais surtout, en combinant différentes méthodes de luttes, dont la base était la complémentarité et la protection garantie de l’action violente.
Que ce soit les écureuils qui dans leurs platanes ralentissaient les travaux, les scientifiques en grève de la faim, les systèmes de cortèges de couleurs dans les manifestations, avec chaque couleur correspondant à un type d’action différente (blocage, sabotage, affrontements avec les forces de l’ordre pour les plus déterminés), les groupes d’actions de nuit qui sabotaient les chantiers et machines, ou encore les équipes juridiques qui ont travaillé d’arrache-pied, c’est grâce à une mobilisation large et démocratique que l’A69 n’est pas passée. Et surtout, car la violence n’a pas été dénigrée, mais érigée comme mode d’action nécessaire à la victoire. C’est une leçon que beaucoup d’opportunistes devraient retenir. Quand on ose lutter, on gagne. Et c’est bien la lutte par la violence qui a permis l’interdiction légale et pas le contraire.
Les emprises de l’A69, construites à 70%, pourront désormais voir la réalisation de projets alternatifs comme celui porté par le collectif « La Voie est Libre », mais pour cela la lutte va devoir continuer. L’Etat et son appel en justice font de cette victoire une victoire limitée, qui peut être retournée à n’importe quel moment. Mais malgré tout, célébrons cette victoire obtenue de longue lutte et inspirons-nous de l’esprit de lutte qu’elle incarne !