L’État de droit et la bourgeoisie : Retailleau teste les eaux pour les réactionnaires

C’est une déclaration qui a quelques mois : Retailleau, ministre de l’Intérieur réactionnaire qui dit en interview : « L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain. »

Cette sortie médiatique, qui revient à nier le cadre juridique des principes démo-bourgeois avec lequel fonctionne la 5ème République, a fait grand bruit mais… elle n’a pas été unanimement dénoncée, au contraire. Pourquoi est-ce important ?

Pourquoi l’État de droit a-t-il été créé et défendu par la bourgeoisie ? Pourquoi le renier maintenant ?

La formation progressive de l’État de droit dans les démocraties bourgeoises est à chercher en France, en Angleterre et en Allemagne, où son développement s’est fait sous l’influence des révolutions bourgeoises et de leurs succès et échecs en plusieurs siècles depuis le Moyen-Âge.

Fondamentalement, cela implique que l’État respecte le droit qu’il a lui-même fixé, et organise donc la justice de façon « rationnelle » et libérale : égalité des individus devant la loi, pas de privilège, pas de passe-droit… Là où dans la tradition anglo-saxonne, c’est avant tout l’individu-roi du libéralisme (le bourgeois) qui est protégé ainsi, en France il y a une tendance à étendre l’État de droit à la garantie des droits fondamentaux comme les droits de l’homme.

Bien sûr, à notre époque qui est celle de l’impérialisme et des révolutions, ces belles paroles bourgeoises se sont depuis longtemps retournées : le droit et la justice défendent bel et bien une classe, la classe bourgeoise, et l’État n’hésite pas à intervenir et faire condamner ceux qui le gênent. C’est ce qu’ont montré les pressions pour des condamnations record et fermes lors des Gilets Jaunes ou bien lors des glorieuses révoltes de Juin 2023.

Toujours est-il que ce concept est affirmé du bout des lèvres, depuis plus de 100 ans, par tous les bords politiques bourgeois : gauche ou droite. Donc, qu’un ministre de l’Intérieur en exercice, c’est-à-dire la personne en charge de la réelle base de l’État, ses forces armées intérieures (police, gendarmerie…), disent cela, c’est un développement inédit qui aurait été impossible quelques années en arrière. Mais Retailleau met le pied dans la porte car il sait que l’État bourgeois doit étendre son pouvoir pour lutter contre la crise.

Qui, comme Retailleau, est prêt à franchir le Rubicon de la négation de la démocratie bourgeoise ?

Mais il n’y a pas que l’individu Retailleau qui voit que l’État bourgeois, pour se maintenir, doit se séparer de ses voiles démocratiques et montrer à tous son visage monstrueux qu’il ne fait que camoufler.

Il y a d’abord son parti, LR, et les 170 députés et sénateurs qui ont signé une tribune en soutien à la déclaration du ministre. Il y a aussi, par extension, le RN et le reste du gouvernement, y compris Macron à la tête de l’État, qui ont appuyé. La gauche, dans son opposition politique comme juridique, est hypocrite, car elle est prisonnière, comme Retailleau, de la fausse opposition liberté contre sécurité. L’État de droit garantirait la liberté, mais l’outrepasser garantirait la sécurité.

Sauf que rien dans ce bas monde n’est si spirituel et abstrait que ça. Tout est concret. Et concrètement, la négation de l’État de droit c’est la porte ouverte aux lois spéciales, aux arrestations arbitraires et aux enfermements permanents sans raison. Tout un tas de chose qui aujourd’hui deviennent d’actualité pour la bourgeoisie et son parti unique. On ne défendra pas nos « libertés » en préservant l’État de droit, mais bel et bien en abattant la machine d’État de la bourgeoisie tout entière, tout en construisant sur ses cendres l’appareil d’État qui garantit le pouvoir à la classe ouvrière.

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