A Saint-Denis et Aubervilliers, le 93 se mobilise

Ces dernières semaines ont vu l’émergence et le développement de nombreuses luttes à Saint-Denis et Aubervilliers. La Cause du Peuple fait ici état de certaines des plus importantes.

Au quartier des Francs-Moisins, la plus grande cité de la ville de Saint-Denis, des dizaines de jeunes se sont soulevés le dimanche 30 mars, après une énième intervention musclée de la police municipale qui a tenté de percuter en voiture deux jeunes du quartier.

Ce soulèvement combatif a été sévèrement réprimé par l’occupation du quartier par les CRS pendant plus d’une semaine. Le soir même, une vingtaine de fourgons étaient stationnés aux principales entrées de la cité ; à cela s’ajoutaient des patrouilles dissuasives de CRS, LBD à la main, marchant en colonne dans le quartier et tentant d’intimider les masses qui ne tolèrent plus l’état d’exception imposé aux quartiers populaires.

Dans une moindre mesure, au quartier Delaunay-Duclos-Fabien, de nombreuses descentes ont eu lieu ces dernières semaines, visant principalement et de manière arbitraire de jeunes adolescents.
Des témoignages d’enfants à peine âgés de dix ans rapportent des intimidations et humiliations quotidiennes. Sous couvert de la « guerre contre la drogue », la police impose un état d’exception dans la plupart des quartiers de la ville, y compris dans le centre-ville.

Une autre lutte qui a récemment émergé est liée à la fermeture de l’ensemble des antennes jeunesse de la ville, nouveau méfait du soi-disant « socialiste » Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis. Dans un communiqué, il justifie cette décision par une prétendue nécessité de « restructurer des espaces au fonctionnement enkysté et problématique », évoquant la « découverte d’armes ou de drogues dans certains de ces espaces ».

Dans la même déclaration, il déplore que « la qualité des projets et la fréquentation des antennes jeunesse » ne seraient pas à la hauteur des financements. Enfin, il annonce son projet d’ouvrir un espace jeunesse unique au centre-ville, un véritable crachat au visage des quartiers populaires de Saint-Denis, parfois très éloignés de la basilique (cœur de la ville).

Saint-Denis est une ville immense, s’étalant sur plus de 15 km², sans compter sa fusion avec la ville de Pierrefitte. Détruire les antennes jeunesse pour n’en créer qu’une seule revient à renforcer toujours plus l’isolement des quartiers, à détruire les rares lieux où la jeunesse pouvait se retrouver et s’exprimer. C’est accélérer encore la gentrification et tenter de chasser les masses du centre-ville pour y faire venir la petite bourgeoisie parisienne, incapable de vivre à Paris.
C’est une nouvelle attaque contre les masses et la jeunesse de la ville.

Mais là où il y a oppression, il y a résistance : des dizaines de jeunes se sont massés devant la mairie au cri de « Hanotin, t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! ». Cette jeunesse, qui s’est récemment soulevée aux Francs-Moisins, loin des clichés véhiculés par la presse réactionnaire, est pleinement consciente de ce qui se passe dans leur ville et de qui est responsable de leurs conditions de vie. Cette mobilisation exemplaire témoigne de leur combativité et de leur détermination.

Jeudi 23 avril, un nouveau rassemblement a eu lieu pour dénoncer la fermeture des antennes jeunesse devant la mairie : environ 150 jeunes étaient présents, appuyés par des dizaines de syndicalistes (FO, CGT, CFDT) et diverses organisations de la ville. Les jeunes ont tenté d’envahir la mairie. Le sinistre Hanotin s’était barricadé dans son hôtel de ville derrière des dizaines de policiers armés de LBD.

Après de rapides affrontements pour tenter de pénétrer dans la mairie, des discours ont été prononcés avec des slogans combattifs : « Hanotin casse-toi, Saint-Denis n’est pas à toi ! ».
Des dizaines de fausses cartes électorales ont été déchirées devant la mairie, symbole de décennies de mascarades électorales et de clientélisme qui ont profondément marqué les masses.
Malgré cela, de nombreux agents de la France Insoumise tentaient de canaliser les jeunes, leur promettant monts et merveilles s’ils votaient pour eux en 2026. Ces mêmes agents opportunistes lançaient des slogans appelant aux urnes. Ce rassemblement cristallise un phénomène bien connu dans les quartiers populaires : un prolétariat combatif et déterminé, face à des traîtres, révisionnistes et opportunistes qui cherchent à canaliser la colère des masses vers les urnes, tels des moutons qu’on adoucit avant de les égorger à l’abattoir.

Un activiste du CPES (Comité Populaire d’Entraide et de Solidarité) de la cité Delaunay-Duclos-Fabien a prononcé un discours dénonçant le projet d’Hanotin et rappelant que « le changement ne viendra pas des urnes, mais de l’organisation entre habitants des quartiers ». Derrière lui, le grand bourgeois Éric Coquerel, parodie moderne de Jean Jaurès, rabâchait son discours pourri.

En parallèle, des familles de sans-papiers occupaient depuis des mois le hall de l’hôpital Delafontaine, hôpital de Saint-Denis. Ces familles, avec de nombreux enfants dormant à même le sol, luttaient pour obtenir une solution d’hébergement viable. Elles ont été expulsées mardi 22 avril de Delafontaine et ont choisi d’occuper la Bourse du travail de Saint-Denis.

Nous partageons une interview audio à ce sujet :


Depuis la défaite électorale du PCF en 2020, la Bourse du travail est sous contrôle total de la mairie, qui refuse arbitrairement son accès à de nombreux collectifs et organisations. Une délégation de la mairie a rencontré les familles occupant la Bourse, leur promettant six nuits d’hébergement à l’hôtel social en échange de leur départ. Les mamans, épuisées par des mois d’errance, ont accepté. La mairie n’a pas tenu ses promesses et les familles ne peuvent plus occuper la Bourse, dont l’accès est désormais défendu par d’importantes forces de police.

La lutte porte aussi des victoires ! Le comité populaire d’entraide et de solidarité du quartier Duclos-Delaunay-Fabien en a remporté une belle, en obtenant de Plaine Commune Habitat l’installation d’extincteurs dans les caves et parkings, où ils faisaient défaut.
Cette victoire, issue de la mobilisation des habitants du quartier et de leur solidarité, montre l’exemple : l’organisation collective permet d’arracher des avancées.

A Aubervilliers, les Jeunes Révolutionnaires ont organisé un tournoi de foot pour la Palestine dans la cité Jules Vallès et ont mobilisé plus de 200 personnes. C’est le fruit de liens tissés de longue date dans ce quartier et de luttes continues dans le département. Lors de cet événement, le quartier a affirmé sa solidarité avec Alex, l’activiste poursuivi pour son soutien à la Palestine.

Saint-Denis et Aubervilliers sont des villes bouillonnantes, qui seront le théâtre de luttes historiques dans les prochaines années, comme la plupart des villes du 93. L’État et ses instances locales, comme l’infâme Hanotin, cherchent à travers des plans comme l’ANRU à détruire les quartiers populaires, à raser les cités comme celle des Francs-Moisins. Ils tentent de maintenir la classe ouvrière dans un état de désorganisation, en verrouillant notamment les Bourses du travail.

La gentrification est en marche, et les masses sont progressivement chassées de la petite couronne par la bourgeoisie. C’est une question de vie ou de mort pour eux. Pourquoi ?
Parce que les masses savent que seule la lutte paye, que leur colère est juste et peut jaillir à tout moment. Le souvenir des grands soulèvements de juin 2023 est encore fort parmi les masses et la jeunesse de la ville. Ces villes sont des bastions historiques de la classe ouvrière.
Elles ont produit des milliers de communistes durant les années 1920-1930-1940. Saint-Denis est en particulier la deuxième ville d’Île-de-France, là où sont parquées les masses populaires de la région, et ces dernières ne partiront pas sans combattre.

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