Le dimanche 26 juillet à Limoges, une « marche blanche » a eu lieu dans le centre-ville à l’initiative de l’Association des Marocains de Limoges. Cette marche a été organisée en réaction aux propos du maire de Limoges, Émile-Roger Lombertie, qui a qualifié sur CNews les habitants des quartiers populaires de « bêtes » et de « musulmans salafistes intégristes » suite aux attaques contre des policiers dans le quartier du Val de l’Aurence.
Ces derniers jours, Émile-Roger Lombertie, maire de Limoges depuis 2014, a multiplié les interviews sur des plateaux télés. Cette présence médiatique fait suite à une série d’émeutes organisées dans le quartier du Val de l’Aurence durant le mois de juillet, où des centaines de jeunes se sont révoltés et ont affronté la police. Parmi la farandole de propos lunaires tenus par le maire, on peut citer : « En milieu musulman, si le père est absent, c’est un des garçons qui commande. Comment voulez-vous qu’un enfant de 8 ans soit chef de famille ? » ou encore « Quand on considère les gens comme des bêtes et qu’on les laisse libres comme des bêtes, ils ont des comportements de bêtes […] et perdent toute ou partie de leur humanité pour se contenter du côté obscur. » L’ancien psychiatre a cru bon d’ajouter : « Nous sommes gouvernés par des incultes qui n’ont aucune idée de ce qu’est l’anthropologie et l’éthologie », ce dernier mot faisant référence à la science de l’étude des… animaux.
Les propos ont choqué beaucoup d’habitants qui se sont réunis dimanche pour les dénoncer. La marche a réuni environ 200 personnes, beaucoup d’habitants des quartiers se sont déplacés en ayant la colère comme mot d’ordre. Une colère justifiée car c’est l’ensemble de la communauté musulmane limougeaude qui a été visée. Plusieurs prises de paroles devant la cité judiciaire ont eu lieu, permettant à tous d’exprimer des avis.
Le président de l’association appelant à la marche s’est exprimé ainsi : « Lombertie il est ancien psychiatre, médecin. Il nous a touchés, il a touchés nos enfants, il a parlé d’un enfant de 8 ans. Je pense que nous familles musulmanes on a mieux éduqué nos enfants que ce médecin »
Une habitante a insisté : « Convoquer l’éthologie, l’étude des animaux, pour analyser ces animaux c’est humiliant pour tout le monde. Je suis à Limoges depuis 1979, j’ai mal pour ma ville, Limoges berceau de beaucoup de combats humanistes : on a déshumanisé une partie de la population. C’est humiliant, c’est révoltant. »
Quand la police frappe un jeune, le quartier répond
La ZUP (« zone à urbaniser en priorité ») du Val de l’Aurence est l’un des quartiers les plus pauvres de France, on y recense 40 % de chômage. Si le problème du trafic de drogue, réel, est souvent utilisé comme justification de toutes ces violences, la réalité va bien au-delà : les logements sont insalubres, la vie associative du quartier est en berne depuis des années, détruite méthodiquement par la mairie, et la répression policière est monnaie courante. Les émeutes sonnent donc comme une réponse à la violence de l’État et de la police, elles ne sont pas accidentelles ni irréfléchies. La dernière émeute en date a été une réponse directe à une attaque de la police, qui lors d’une descente au quartier en journée a frappé un jeune.
Élus de gauche, élus de droite : des propos différents dans la forme mais un fond identique
Il est certain que Lombertie est en grande partie responsable de la situation : le maire de droite, qui flirte régulièrement avec l’extrême-droite (quand il ne l’embrasse pas), le prouve dans ces propos scandaleux. Nous savons ce qu’il pense des populations des quartiers et surtout nous connaissons le traitement qu’il leur réserve.
Mais ne soyons pas dupes pour autant : le constat de l’état des quartiers populaires de Limoges ne peut être seulement imputé au travail de Lombertie. La ville de Limoges, qui a été historiquement à gauche pendant plus de 40 ans, n’a eu de cesse de mener des politiques d’enclavement des populations issues de l’immigration, les parquant dans les quartiers excentrés du centre-ville et triant les familles dans les bâtiments selon leur origine.
Ne nous laissons pas avoir par les élus LFI, PS ou PCF qui ont eu l’indécence de venir à cette marche alors que ce sont ces mêmes opportunistes qui ont pavé le chemin de Lombertie et ses sbires. Après avoir été offusqués des propos du maires, ils ont quand même été les premiers à appeler à renforcer la présence policière dans les quartiers. Damien Maudet, député LFI de Haute-Vienne, a ainsi tweeté après la première nuit d’émeutes le 14 juillet : « Longue nuit de violences insupportables. Soutien aux agents blessés. Soutien également aux habitants. Si les renforts sont nécessaires, alors qu’ils soient mis à disposition pour que le calme revienne rapidement. À nouveau, j’espère qu’une enquête permettra au plus vite de retrouver les auteurs des ces faits. »
La lutte contre le trafic de drogue
La question du trafic de drogue dans les quartiers, qui est un réel problème pour les habitants du Val de l’Aurence et crée de vraies violences au sein même du quartier, ne peut pas être résolue par l’augmentation du nombre de policiers, qui tabassent les jeunes (quand ils ne les tuent pas, comme ce fut le cas pour Nahel à Nanterre, et Mohamed et Ayoub à Limoges, tous trois en 2023), et font eux-même partie du problème. À Marseille par exemple, la commissaire à la tête de l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mise en examen début juin dans le cadre d’une enquête sur la mystérieuse disparition de 400 kg de cocaïne, sans qu’aucune interpellation ne soit effectuée. Les habitants ne sont pas dupes sur la question. Une des participantes de la marche, Fatiha, l’a très justement expliqué : « C’est très facile de cibler une population. Quand les médias appartiennent à Bolloré y’a plus de démocratie. Quelle que soit nos religions, nos convictions personnelles il faut qu’on reste unis et qu’on se laisse pas entraîner dans ce genre de choses. C’est vrai que la drogue est une plaie dans le monde entier mais il faut réfléchir d’où elle vient cette drogue, qui s’enrichit. Quand la drogue décime les familles, qui s’enrichit ? Cherchez du côté de l’empire britannique en Chine, l’empire français qui a copié l’empire en faisant arriver cette drogue à Marseille. Ce sont les riches qui s’enrichissent avec. »
Nous vous invitons à lire cet article de la Cause du Peuple qui, en se basant sur l’exemple des quartiers à Rennes qui connaissent le même problème, évoque la question du trafic de drogue et ses causes.
Ainsi, loin de chercher à lutter contre le trafic, la mairie de Limoges a mis en place un couvre-feu pour les moins de 13 ans dans les quartiers populaires pour tout l’été, en réponse directe aux émeutes. Cette décision démontre une volonté toujours grandissante de contrôler la jeunesse prolétaire mais elle sonne également comme un aveu de faiblesse. L’état craint cette jeunesse qui n’a pas peur de se révolter car celle-ci n’a plus rien à perdre.


