Ces derniers jours, les membres du Parti « Justice et développement » au Maroc ont tenté à nouveau, de manière désespérée, de redorer le blason de Saadeddine El Othmani, l’homme qui a paraphé avec le plus grand calme l’accord de la normalisation du pays avec l’entité sioniste comme si l’Histoire ne se rappelait rien, comme si la mémoire collective était amnésique.
Pour ce faire, ils ont diffusé des récits pour le moins risibles : tantôt ils ont affirmé que ce dernier était « contre la normalisation », tantôt qu’il « avait été contraint d’agir ainsi – ne disposant d’aucun pouvoir de décision bien qu’il fût chef du gouvernement » ; tantôt encore, ils ont fabulé un soi-disant accueil de dirigeants du Hamas comme si une invitation symbolique pouvait équivaloir à une signature officielle légitimant une relation avec l’occupant sioniste.
Or la vérité qu’ils s’efforcent de masquer est tout autre et lumineuse comme le soleil : ce parti qui, durant des années, a fait vibrer les rues par des slogans en faveur de la Palestine est le même qui a apposé son sceau au bas de la page de la plus grande trahison politique de son histoire.
Lorsque l’épreuve décisive est arrivée, le masque est tombé et la « vraie nature » de ce parti s’est révélée au grand jour : alors qu’habituellement dominaient les discours populistes et les positions démonstratives à outrance, ce moment décisif pour apposer cette signature en bas de page des accords de la normalisation, s’est fait dans le plus grand silence et la plus grande docilité.
Lorsque Saadeddine El Othmani a signé cet accord de normalisation, le 22 décembre 2020, cette décision et cet acte s’inscrivaient dans le cadre d’une décision d’État et non d’un gouvernement ou d’un parti particuliers. Ainsi en vertu de la Constitution (article 55), les relations extérieures relèvent bien avant tout des prérogatives du roi – le gouvernement se chargeant de son côté de mettre en œuvre les orientations stratégiques de l’État.
Partant de cela, l’affirmation selon laquelle El Othmani « ne pouvait pas refuser » est certes structurellement exacte mais cela ne le dégage en rien de sa responsabilité politique et morale car il aurait pu démissionner s’il considérait la normalisation comme une trahison de ses positions et le parti aurait pu se rebeller ou annoncer une position claire et explicite ce qu’il n’a pas fait.
Dire qu’il était « contraint » n’efface donc pas le fait qu’il a accepté d’exécuter la décision et qu’il a signé en son nom et au nom de son parti cet accord.
Le parti qui, pendant des années, a saturé l’espace public d’un discours de « refus de la normalisation » et de « soutien à Gaza » s’est retrouvé, une fois entré dans la sphère du pouvoir gouvernemental, face à la réalité d’un État qui fixe les orientations stratégiques ; il a alors accepté le rôle qui lui a été assigné. Rien de nouveau à cela : c’est un schéma bien connu dans l’expérience des organisations appartenant à l’islam politique lorsqu’elles accèdent au pouvoir.
Ce que diffusent aujourd’hui les partisans du Parti « Justice et développement » (P.J.D.) s’inscrit dans une opération de propagande visant à enjoliver leur politique en vue de la préparation des élections : selon eux,
1. « El Othmani est contre la normalisation » : même s’il y était personnellement opposé, c’est l’acte politique qui fait foi, non les intentions. Or Othmani est apparu publiquement en train de signer l’accord officiel et cela restera inscrit à jamais dans l’Histoire.
2. « Il ne pouvait pas refuser » : c’est là un aveu implicite que le parti ne détient ni la décision, ni un pouvoir réel, ni la capacité de changer les politiques publiques. Pourquoi, dès lors, demande-t-il la confiance des citoyens s’il n’est qu’un simple exécutant ? Si le chef du gouvernement « ne peut pas refuser », pourquoi a-t-il accepté le poste ? Si le parti « ne décide pas », comment peut-il solliciter la confiance populaire ?Et s’il était « contraint », pourquoi clame-t-il chaque jour qu’il conduit la réforme et qu’il possède le courage politique ? C’est une reconnaissance non avouée que le parti n’était qu’un instrument au sein de la machine du régime, un simple exécutant dépourvu de pouvoir et de décision. Et pourtant, aujourd’hui, on veut le remettre sur le devant de la scène, comme si de rien n’était, comme si l’image d’El Othmani signant la normalisation n’était pas plus lourde que tous les mots qu’ils peuvent prononcer.
3. « Il a invité des dirigeants du Hamas » : il s’agit là d’une tentative de créer un capital symbolique compensatoire pour contrebalancer une « erreur historique ». Mais les relations avec des factions palestiniennes n’annulent en rien l’acte politique concret : la normalisation a eu lieu et c’est lui qui l’a signée !
Les pratiques du parti reflètent sa réalité en tant qu’outil partisan intégré à la structure du régime dont la fonction est de contenir la rue, d’absorber les tensions et de fournir une couverture démocratique à la dictature.
À l’approche des élections, il ressort et scande les anciens mots d’ordre et fait de l’agitation en faveur de la cause palestinienne instrumentalisée alors comme produit politique pour mobiliser ses bases et influencer les masses. Il s’agit d’un investissement idéologique dans le symbolique pour compenser dans le réel l’échec politique et social.
La cause palestinienne, dans la conscience populaire marocaine, est depuis toujours un symbole de luttes authentiques et de défis populaires. Mais le PJD, à l’instar de nombreux autres courants politiques, l’a exploitée durant des années comme capital moral, source de légitimités religieuse et politique et outil de mobilisation organisationnelle.
À l’approche des élections, les mêmes rengaines reviennent toujours :
• « Nous sommes avec la Palestine »
• « Nous sommes contre la normalisation »
• « Nous avons signé sous la contrainte »
• « Notre héritage historique est celui du soutien à la cause ».
Mais les gens se souviennent de l’image et ne l’oublieront jamais : celle d’El Othmani, un stylo à la main, signant l’accord de la honte.
La normalisation n’était pas une décision de ce parti mais celle d’un État de classe, lié à un modèle d’intégration dans le marché mondial et dépendant des alliances impérialistes. Le PJD n’a été qu’un maillon dans l’application de ce choix, un simple kleenex.
Aujourd’hui, le PJD tente de s’absoudre d’un crime politique historique, celui de cette signature, à travers des « mises en scène » symboliques et la reproduction d’un discours bien rôdé : « nous sommes avec la Palestine », et ce dans le seul but de gagner des voix en jouant sur la corde sensible de l’émotion religieuse et identitaire.
Mais la vérité est limpide : dans l’épreuve, le masque est tombé et le parti est apparu tel qu’il est : une composante du système dictatorial pour lequel la Palestine n’est qu’une carte politicienne parmi d’autres.
La signature de la normalisation a révélé, dévoilé, démasqué la véritable nature du Parti « Justice et développement » : ce dernier a été achevé par la cause même qu’il prétendait soutenir depuis toujours : la cause palestinienne.
Plus grave encore : ne veulent-ils pas aujourd’hui ressusciter les mêmes slogans qu’ils ont trahi hier en en pervertissant encore aujourd’hui l’esprit. Ils cherchent à instrumentaliser la cause, à la transformer en « produit électoral », en outil de captation de la sympathie des masses, après avoir abandonné le peuple palestinien dans ses moments les plus critiques.
Mais l’histoire ne pardonne pas et les peuples n’oublient pas. Celui qui trahit une grande cause une fois… n’hésitera pas à tout trahir par la suite !


