Sur les soulèvements à Madagascar

La vague de soulèvements populaires en cours depuis le début du mois de septembre s’étend de jour en jour dans de nombreux pays. Après l’Indonésie, le Népal, les Philippines et actuellement le Maroc, les masses de Madagascar se soulèvent à leur tour contre la corruption de ses élites compradores et ses conséquences.

Voilà plus d’une semaine que le peuple, principalement la jeunesse de Madagascar se mobilise contre son gouvernement corrompu. Depuis le 25 septembre, le peuple proteste dans les rues pour réclamer l’accès à l’eau potable et la fin des récurrentes coupures d’électricité. Dans le pays, seulement 36 % de la population a accès à l’électricité, et 75 % des masses est sous le seuil de pauvreté.

Des milliers de personnes ont d’abord marché pacifiquement dans la capitale Tananarive. L’État compradore malgache a réagi par une répression féroce. Selon l’ONU, le premier bilan humain tombe : plus de 22 personnes ont été tuées par les chiens de garde de l’État. En plus des gaz lacrymogènes, ces derniers ont tiré à balles réelles sur la foule à de nombreuses reprises, et ont procédé à des arrestations massives suivies de l’instauration d’un couvre-feu.

Plutôt que tempérer la révolte, la répression de l’État n’a fait que l’intensifier davantage. Malgré le couvre-feu, les manifestants ont réussi à investir la capitale et à s’étendre dans les quartiers populaires. Les jours suivants, d’autres villes ont commencé à se soulever. Les étudiants ont rejoint la lutte et grossit les rangs des manifestations, qui continuent à avancer sans trembler devant la police et l’armée.

Au centre de cette crise, le président actuel Andry Rajoelina est une cible de la colère du peuple, qui réclame sa démission. Le 30 septembre, il tente d’arnaquer le peuple en annonçant dissoudre son gouvernement, et s’excusant pour la « mauvaise gestion » de son mandat. Dans le même souffle, il a nié l’étendue des dégâts de sa répression. Heureusement, le peuple ne se laisse pas berner et persiste à demander sa démission, lui refusant tout potentiel sursis.

Arrivé au pouvoir suite à un coup d’état, il incarne depuis 2009 le chef de file des compradores de Madagascar. Censé incarner un Madagascar « moderne » et proche du peuple, Rajoelina ne s’est guère distingué de ses prédécesseurs dans un des pays les plus corrompus du monde.

Impliqué dans de multiples scandales, il est connu pour son goût de la répression des opposants politiques, de l’intimidation, de l’arrestation arbitraire de journalistes, et de l’utilisation de logiciels espions.

De plus, les masses malgaches se souviennent encore de la famine abominable qui a touché 1 million de personnes dans le sud du pays en 2021 et qui continue à faire des ravages dans la région. Au cours de cette famine, officiellement la première au monde causée par le réchauffement climatique, Rajoelina et sa clique ont brillé par leur inaction, voire leur déni criminel de la situation.

Autre figure, le responsable de la société Sodiat, Mamy Ravatomanga, est directement responsable de la gestion catastrophique de l’eau courante, de l’électricité, mais aussi de l’état des services de santé ou du pétrole, principalement par de juteux détournements de fonds. Il est un très proche collaborateur de Rajoelina et une des plus grosses fortunes du pays.

Le gouvernement malgache et ses collaborateurs sont de plus de grands amis de l’impérialisme français. L’État français a grandement facilité son arrivée au pouvoir en 2009 à la tête d’un gouvernement de transition fantoche. Rajoelina est par ailleurs l’heureux détenteur d’une double nationalité française, où il a vécu de longues années avant de revenir à la tête du pays. Mamy Ravatomanga, lui, est impliqué dans bien des scandales mêlés à de grands noms de la bourgeoisie française, cité dans l’affaire Carlos Goshn ou l’affaire Balkany. Sa société est en très bons termes avec les investisseurs français.

Dans un pays qui a subi et a lutté d’arrache-pied contre le joug colonial de la France pendant plus de 60 ans, l’ombre de l’impérialisme plane toujours.

Et pour cause, Madagascar est situé dans une zone stratégique de première importance pour les monopoles français. Le canal du Mozambique, qui borde toute la façade occidentale de l’île, est sous contrôle français de moitié grâce à une Zone Économique Spéciale. Total en premier chef, exploite les hydrocarbures de la région avec voracité, dans une zone qui représente aujourd’hui 30 % du trafic pétrolier mondial. La France a aussi des territoires sous son administration directe, sous contrôle colonial direct comme à Mayotte mais aussi aux Îles Éparses, qui sont des bases d’opérations précieuses pour nos impérialistes.

Cette importance stratégique est allé en s’intensifiant avec le blocus anti-génocidaire dressé par la résistance yéménite depuis 2023 en Mer Rouge, forçant une partie conséquente du commerce maritime international à longer le continent africain. Autant de raisons qui expliquent la nécessaire main de fer d’un gouvernement voisin pas trop regardant et prompt à la collaboration avec les monopoles étrangers, qu’importe son coût pour l’écrasante majorité du peuple.

De ce fait, Madagascar n’échappe pas à la règle qui touche tous les pays opprimés. Dans un pays où les deux tiers de la population a moins de 25 ans, la jeunesse fait face à un gouvernement où la corruption et la vente du pays aux impérialistes fait loi. Pourtant, et nous le voyons bien aujourd’hui partout dans le monde, l’époque que nous vivons est un tournant historique majeur. Les fondations de l’ordre actuel instaurées comme piliers de la fin de l’histoire deviennent de plus en plus fragiles.

Les compradores ne peuvent plus se cacher derrière le vernis du développement ou de l’unité nationale comme ils ont pu le faire pendant tant d’années. Les promesses de développement par les préconisations du FMI et autres thérapies de choc ne passent plus, et chacun sait dans quelles poches tombent les bénéfices du dépeçage de la richesse nationale. Nous le voyons à Madagascar, mais aussi dans tant d’autre pays secoués par l’onde de choc des soulèvements qui se multiplient depuis le début des années 2020.

Le soulèvement des masses à Madagascar n’est qu’un début. Un combat prolongé se profile pour la jeunesse malgache, qu’elle remportera si elle remplit ses tâches historiques. La jeunesse du monde point à l’horizon, qu’elle balaie les exploiteurs de Tananarive et d’ailleurs !

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