Rapport sur la politique antipopulaire du régime marocain

Nous publions ici un rapport, reçu par des camarades révolutionnaires du Maroc, sur la situation de la crise dans le pays.

Le Maroc, actuellement, connaît des protestations populaires massives contre les politiques antipopulaires, antidémocratiques et antinationale menées par le régime réactionnaire actuel dans divers domaines économiques et sociaux. Ces politiques accablent les classes populaires exploitées et opprimées et aggravent la situation des travailleurs, des paysans et des couches de la population marginalisées.

Alors que des budgets colossaux sont alloués aux projets liés aux loisirs et au sport et que des financements énormes sont débloqués pour les infrastructures qui y sont associées comme pour les hôtels et les routes dans les centres-villes des grandes agglomérations, le reste des régions souffre de marginalisation et du manque d’infrastructures de base. Le droit au logement, à l’éducation, aux soins et même à l’eau potable sont devenus des luxes inaccessibles aux plus démunis. Cependant, cette offensive frénétique du régime actuel n’a pas empêché la plupart des couches concernées de descendre dans la rue et de manifester leurs révoltes pour revendiquer leurs droits justes et légitimes dans diverses régions du pays.

Nous présentons ci-dessous quelques aspects de ces manifestations et protestations en les présentant selon les catégories de leurs revendications.

I-/ Le droit à l’eau

La soif est devenue une menace imminente pour le peuple marocain. Le régime a privilégié l’agriculture intensive d’exportation, qui nécessite d’énormes quantités d’eau, épuise les nappes phréatiques, impacte négativement les réserves d’eau et fait dangereusement reculer le niveau d’eau dans les barrages. De ce fait, plusieurs régions connaissent des pénuries d’eau fréquentes. Par exemple, dans le sud, notamment à Zagora, du fait de la culture intensive de pastèques pour l’exportation (113 500 tonnes rien qu’en 2024), le manque cruel d’eau est devenu un spectre qui hante diverses couches de la population, les menaçant d’une soif temporaire, voire permanente. Ceci résulte de la poursuite de ces politiques ci-dessus évoquées par le régime et son incapacité à répondre aux revendications justes et légitimes des manifestants dans la région.

Le même sort est également réservé à la région occidentale alors que cette dernière dispose d’abondantes nappes phréatiques et de grandes ressources en eau. Par ailleurs, cette région peut aussi compter sur d’intenses pluies régulières ce que n’a pas Zagora. Cependant, la volonté de l’État d’intensifier la culture de l’avocat, dont les exportations ont atteint des records ces huit dernières années (passant de 22 500 tonnes en 2018 à 100 000 tonnes en 2025), a exposé les habitants à devoir eux aussi affronter la soif, les coupures d’eau et les pénuries et ce même dans les villes qui paient des frais fixes très élevés sur leurs factures d’eau à des sociétés de gestion externalisées. Sans parler également des zones marginalisées qui n’ont même pas accès à l’eau potable à domicile. Le même sort est vécu également par plusieurs villes et villages de la région du Souss, qui sont appauvris par les serres destinées à l’exportation de tomates (660 000 tonnes vers l’Europe en 2023), de haricots verts, de concombres et d’autres légumes… (qui contribuent à 86 % des exportations totales de légumes de la saison 2024-2025). Ceci se retrouvent aussi dans deux autres régions : à Al Haouz et Beni Mellal.

Face à cette attaque systématique lancée par le régime, qui a été initié par ce qu’il a appelé « le Plan Maroc Vert » puis par « le Programme Génération Verte » s’étendant jusqu’en 2030 et qui se base sur le pilier du développement de ce qu’il appelle « l’agriculture moderne », destinée principalement à l’exportation, le peuple marocain n’a trouvé d’autre alternative que de descendre dans la rue et de s’engager dans des protestations populaires et de longues marches depuis les régions marginalisées et les villages jusqu’aux villes du centre de ces régions.

À Zagora 

Des manifestations de grande ampleur ont eu lieu. En août 2023, la région de « Fayja » a été le théâtre de manifestations massives dénonçant la soif et le manque cruel d’infrastructures les plus élémentaires, tels que l’accès à l’électricité, à l’eau et aux services de santé. Le régime a réagi à ces manifestations, comme à son habitude, par la répression, par des interventions violentes des forces de l’ordre et l’arrestation de 21 manifestants en octobre dernier. Ces derniers ont été jugés pour « dégradation de biens publics » et « manifestations non autorisées » – deux chefs d’accusation fréquemment invoqués par le régime pour réprimer les manifestations populaires et tenter de dissuader les citoyens de manifester pour revendiquer leurs droits. Ces manifestations populaires (qui n’étaient pas les seules actions menées par ceux qui subissent les conséquences de cette politique antipopulaire de la région, se sont poursuivies sous diverses autres formes et ont été étendues dans le temps et l’espace aux régions avoisinantes de Zagora, où des révoltes ont éclaté en mai 2025 comme à Tanzourine, touchée aussi par la soif ainsi que dans plusieurs quartiers (Al-Amal, Talat…) du village de Takounit.

À Beni Mellal-Khénifra

La région n’a pas été épargnée par les protestations et les dénonciations contre les pénuries d’eau et la sécheresse systématiques qui menacent la population, les petits agriculteurs et les éleveurs. Cependant, la situation a atteint son paroxysme lors du 1er septembre 2024 avec des coupures d’eau potable pendant plus de cinq jours consécutifs dans les villes de Beni Mellal, d’Afourar et des environs. Les habitants ont dû faire de longues files d’attente pendant des heures pour obtenir de petites quantités d’eau, insuffisantes pour les besoins d’une seule personne et encore moins pour une famille entière. Comme à son habitude, le régime a esquivé sa responsabilité : selon lui, assoiffer la population de toute une région pendant près d’une semaine relevait d’un problème de défaillance de l’une des stations d’épuration. Il a alors commencé à raccorder les ressources à des puits alternatifs, solution temporaire et insuffisante compte tenu des immenses besoins de la région.

Les manifestations se sont poursuivies en 2025 avec une intensité toujours plus accrue – les masses populaires descendant massivement dans la rue pour dénoncer le manque cruel d’eau potable et en particulier durant les derniers mois. Le quartier d’Ourbi a été le théâtre de manifestations devant la préfecture régionale le 4 août, lors desquelles ont participé des habitants de tous âges, sous la direction des femmes, exigeant l’approvisionnement en eau potable, en électricité et l’amélioration des routes. Le même mois, les habitants de plusieurs villages (Ighrdan, Taourirt, Ait Ouhrmach) de la commune de Foum El Ancer ont mené une lutte sociale héroïque pour rompre l’isolement et avoir accès à l’eau potable. Ils ont organisé une longue marche à pied vers la préfecture régionale de Béni Mellal-Khénifra. Avant eux, en juillet dernier, les habitants d’Ait Boumkmaz ont défilé sous le mot d’ordre : « La route de la souffrance vers la dignité » en direction de la même préfecture et pour cela, ils ont parcouru de longues distances à travers un terrain montagneux accidenté et sous la chaleur extrême de la région ; ils étaient porteurs de très nombreuses revendications interpellant le régime et ses représentants dans la région pour ce qui est des services de santé et de l’éducation, des infrastructures et des besoins nécessaires pour une vie digne et décente.

À Azilal

La crise de l’eau constitue un fardeau sur le dos des masses populaires et transforme leur vie quotidienne en un véritable enfer et en particulier à Aït Haloine : là, les habitants sont obligés de parcourir des distances de plus de 3 kilomètres pour parvenir aux sources naturelles afin de pouvoir s’approvisionner en eau et malgré leurs diverses protestations et les doléances présentées aux autorités de la commune de Ben Alouidan, toutes ces dernières ont été ignorées et sont tombées dans les oubliettes alors qu’elles étaient loin d’être excessives : il était seulement demandé que des puits soient creusés et soient équipés de pompes pour fonctionner.

À Figuig

Figuig a connu un mouvement de protestation populaire de plus de 100 jours, sous le mot d’ordre « L’eau de Figuig n’est pas à vendre », – mouvement sous la direction des femmes de la région pour protester contre les articles de la loi 83.21, qui prévoient le transfert de la gestion publique de l’eau potable à une agence privée régionale de multiservices. Nous ne pouvons pas ne pas mentionner également ici les souffrances des villes du nord du Maroc puisque nombreux sont les habitants des villages et des bourgs de la région de Larache qui, durant les mois de juillet, août et septembre 2025, ont dû consommer de l’eau de mauvaise qualité transportée par des camions citernes et traitée par des produits chimiques nocifs, les exposant au danger de développer certaines maladies. Cela a également été le cas pour quelques villages de la région riche de Tanger où les coupures d’eau ont pu s’étaler sur quatre jours consécutifs dans la région de Had Al-Gharbiyya : les habitants ont alors dû protester en organisant plusieurs sit-in contre la soif et la marginalisation de leur région. Tout au long des années 2024 et 2025, notamment pendant l’été et les vacances scolaires, notamment l’Aïd al-Adha, aucune région du Maroc n’a été épargnée par les protestations incessantes dénonçant les coupures et les pénuries d’eau. Ces manifestations se sont poursuivies sous diverses formes dans les régions de Sidi Kacem, Chaouia, Al Haouz et dans divers villages du sud-est. Tout porte à croire que ces protestations se poursuivront pour les années à venir d’autant plus que le régime poursuit ses politiques agricoles qui épuisent cette ressource vitale et promet à la population des solutions à long terme, qui ne vont jamais se réaliser comme des projets de dessalement de l’eau de mer à l’horizon de 2030.

II-/ Le Droit au logement

Les politiques antipopulaires, antinationales et antidémocratiques du régime actuel ne se sont pas limitées à priver le peuple marocain de ce droit fondamental à la vie qu’est l’accès à l’eau, mais elles ont aussi visé à le priver de son droit au logement et à un abri sûr, qui préserve sa dignité face au vagabondage et au changement climatique. Nombreux sont ceux qui ont été privés de leur logement sous divers prétextes au fil des ans, ce qui a atteint son paroxysme entre 2023 et 2025. L’un des cas d’expulsion les plus notoires s’est peut-être produit à Tanger où des milliers d’habitants vivaient depuis de nombreuses décennies dans la zone de Chouk du quartier Benkirane. Les autorités ont contraints les résidents à être expulsés sous prétexte que leurs logements appartenaient autrefois à un « Juif inconnu » qui exigeait leur restitution sans indemnisation ni preuve. Cela nous rappelle la politique de l’entité sioniste qui par la colonisation dépossèdent les Palestiniens de leurs foyers, notamment en Cisjordanie et à Jérusalem. Les habitants ne sont pas restés les bras croisés mais ont organisé de nombreux rassemblements, sit-in et manifestations tant dans le quartier que devant le tribunal de première instance de Tanger qui examine la plainte déposée par « l’inconnu » pour lutter contre leur expulsion de leurs maisons familiales.

Les anciens combattants et leurs familles n’ont pas été épargnés par ces politiques d’expulsion. Depuis juillet 2023, ils ont été contraints de quitter leurs logements à Oujda et Marrakech sous prétexte de rénovation des habitations. Cela a donné lieu à des manifestations exigeant le droit à un logement décent pour ces familles.

Plusieurs quartiers classés logements sociaux à Casablanca et Fès ont fait l’objet d’arrêtés d’expulsion forcée entre 2023 et 2025 sous prétexte de réhabilitation des habitations, comme les quartiers d’AlFida et Bernoussi à Casablanca. Les habitants ont réagi par des manifestations qui ont dégénéré en affrontements directs avec les forces de l’ordre. Parallèlement, les habitants de certains bâtiments historiques de Fès ont organisé des sit-in dans plusieurs endroits de la ville, des grèves de la faim et ont montré un refus catégorique de quitter les lieux sans que leur soit proposée une alternative, en particulier dans les quartiers populaires ou à faibles revenus. Si les raisons et prétextes invoqués par le régime pour justifier les expulsions forcées de nombreux logements étaient variés (allant de la nécessaire rénovation des structures, de la fragilité et de la vétusté des bâtiments qui constituent une menace pour les résidents et les passants, aux besoins personnels des propriétaires de certains biens loués), le paroxysme a été atteint dans cette privation du droit au logement quand il s’est agi de « projets d’intérêts immobiliers commerciaux potentiels » destinés à favoriser les investissements étrangers des pays du pétrodollar et destinés à « préparer les infrastructures pour accueillir la Coupe d’Afrique des Nations et la Coupe du Monde de la FIFA », exposant alors de nombreuses familles à devenir des sans-abris, notamment à Casablanca, Rabat, Benslimane, Marrakech, Agadir, Fès et Tanger – villes qui doivent accueillir la Coupe du monde. Rien qu’à Casablanca, au cours des deux dernières années, de nombreux bâtiments ont été démolis, des quartiers rasés et des ordres d’expulsion ont été rapidement émis. En septembre 2024, la vieille ville a été le théâtre de nombreuses manifestations rejetant les ordres d’expulsion. Les manifestations ont duré des semaines contre le « Projet Almahajj Almalaki ». Les habitants se sont rassemblés au bout de la rue de l’armée royale le 6 octobre où ils ont été confrontés à des mesures répressives particulièrement violentes pour disperser les manifestants.

En janvier 2025, les habitants de 50 appartements du quartier d’Al-Onq ont eu la surprise de devoir quitter leur logement en moins de 15 jours. Malgré les manifestations organisées par les habitants concernés qui ont même eu recours à des « procédures légales », le régime, avec son obstination habituelle et la priorité donnée à ses propres intérêts au détriment de ceux des masses populaires, a dû déployer ses bulldozers et exécuter les ordres de démolition de l’un des plus anciens bâtiments de la ville. Le quartier Derb Sultan de Casablanca n’a pas été épargné par cette vague d’expulsion systématique tout comme le quartier Derb El Baladiya, où en échange de sommes dérisoires, les habitants ont été expulsés pour la construction de la ligne TGV. Les habitants ont réagi par des manifestations et des sit-in réguliers depuis juin dernier. Bien que la majorité des résidents aient accepté la décision d’expulsion, l’indemnisation proposée par l’Office des chemins de fer est bien maigre par rapport à la valeur du bien. Les habitants du quartier ont également été choqués, la première semaine d’août 2025, par l’évacuation des ateliers des forges historiques, la relocalisation des artisans du quartier hors de Casablanca et la démolition urgente de leurs ateliers pour récupérer leurs terrains. Rabat, la capitale, n’a pas échappé au processus, dès mars dernier lorsque des maisons du quartier d’Akkari ont été démolies, jugées insalubres et dangereuse, et que le quartier d’Al-Muhit a été démoli sous prétexte de mettre en œuvre un plan d’urbanisme, tout comme d’autres quartiers de Rabat, Salé et Kénitra.

La situation de la ville de Ben Slimane ne fait pas exception : lors de la rentrée scolaire actuelle, les habitants ont été surpris d’apprendre que les élèves de l’école avoisinant le chantier du futur grand stade de la ville allaient être répartis sur trois autres écoles fort éloignées et ce sans qu’aucun avertissement préalable n’ait été donné. Les concernés ont appris que cette école réquisitionnée allait servir à loger les travailleurs du chantier durant tout le temps de la construction du stade et qu’ensuite, elle servirait à accueillir les visiteurs des prochains événements sportifs. Les parents des élèves ont protesté en organisant des sit-in et en déposant des requêtes juridiques auprès des responsables du régime dans la ville pour s’opposer à cette décision brutale qui nécessairement porte préjudice à la scolarité de leurs enfants mais là encore, ils ont reçu lettre morte et ce jusqu’à encore aujourd’hui.

Les quartiers de Marrakech et de toute la région d’Al Haouz en général n’ont pas été épargnés par cette vague de déplacements systématiques et d’expulsions sous prétexte de réhabilitation et de reconstruction. Ce prétexte est véhiculé pour expulser les citoyens des centres-villes mais jamais la reconstruction n’est venue pour la majorité des habitants victimes du séisme du 8 septembre 2023 qui encore aujourd’hui continuent à vivre encore sous des tentes en plastique. Et ce, malgré des manifestations, des marches et des sit-in répétés dénonçant le mépris du régime pour leurs revendications de reconstruction et l’accès à un logement, à des infrastructures sanitaires et éducatives et contre le délabrement des routes rendant les déplacements difficiles, – et ce déjà même avant le séisme. Le régime doit reloger et indemniser les victimes de ce séisme pour toutes les pertes subies (les dommages matériels) d’autant plus qu’il a ouvert un compte bancaire pour récolter les dons aux sinistrés versés par l’ensemble du peuple marocain – que ce soit par des dons directs ou des prélèvements imposés par l’État à tous les fonctionnaires. Où sont parties toutes ces sommes colossales ? Personne ne le sait. Plus encore, le régime a recouru à ses tactiques habituelles de menaces et d’intimidation de tous ceux qui continuent de documenter les souffrances des sinistrés exposés à la pluie et à la canicule, sous les tentes et les abris de fortune où ils avaient trouvé refuge pendant deux ans. L’intransigeance du régime n’a pas cessé de s’accentuer : non seulement, il ignore le sort des habitants d’Al-Haouz et les méprise mais il invoque un crime encore plus grave : il accuse le chef du Comité de coordination pour les victimes du séisme d’Al-Haouz (Saeed Ait Mahdi) d’avoir insulté et diffamé des fonctionnaires. Saeed Ait Mahdi a été initialement condamné à trois mois de prison alors que trois membres du Comité de coordination ont été acquittés. Le jugement a ensuite fait l’objet d’un appel et les habitants ont suivi l’évolution de la situation. Ces derniers n’ont pas hésité à traverser les montagnes escarpées d’Al-Haouz et ses villages pour aller soutenir leurs camarades militants mais ils n’ont pu que constater le durcissement des peines qui de trois mois est passée à un an de prison ferme pour le président du Comité et de l’acquittement à quatre mois de prison ferme pour les autres membres à compter du 4 mars 2025.

Les politiques impopulaires menées par le régime actuel concernant deux droits fondamentaux à la vie, tels que le droit à l’accès à l’eau et au logement, ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan des violations et des crimes commis contre notre peuple qui est appauvri, abêti et opprimé. Les protestations et les soulèvements entrepris par ce peuple héroïque pour faire face aux atteintes du régime contre ses droits les plus fondamentaux à une vie digne ne sont que le début de la formation de sa conscience embryonnaire pour saisir que les droits ne sont pas octroyés mais qu’ils s’arrachent et que ce qui a été volé et notamment les droits les plus légitimes ne peuvent être récupérés que par la lutte.

Septembre 2025

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