Palestine, révolution et anti-impérialisme

La grande opération du Déluge d’Al Aqsa a été un marqueur d’un changement historique, et s’inscrit pleinement dans la nouvelle vague révolutionnaire à l’échelle mondiale. Nous avons ainsi pu voir la traîtrise éhontée, ouverte et assumée des régimes arabes, laquais de l’impérialisme. Seuls se sont distingués le Yémen, les milices populaires irakiennes, le Hezbollah – et, bien que n’étant pas arabe mais inclus dans l’équation, l’Iran. Nous avons surtout pu voir la résistance palestinienne tenir la ligne de front malgré près de deux ans de génocide.

Tous les régimes arabes se savent aujourd’hui fragilisés, et quand le peuple prendra les rues et confrontera dans une explosion leur régime, assurément, la situation évoluera en faveur de la lutte de libération nationale palestinienne. Ces régimes sont la première strate du dôme de fer. Ils sont des boucliers normalisateurs et sont donc pleinement acteurs du génocide aujourd’hui en Palestine. Voilà pourquoi, plus que jamais, la lutte est internationale ou n’est pas ; et nous ne pouvons rester centrés sur nos propres intérêts. Au contraire nous devons les inclure dans la lutte pour la révolution prolétarienne mondiale.

Notre tâche est de développer vite et puissamment la Ligue Anti-Impérialiste comme pôle de combat et de coordination des luttes anti-impérialistes, notamment pour appuyer le puissant mouvement de résistance armée en Palestine et dans le monde arabe, et demain de résistance populaire dans tout le monde arabe, ainsi que les guerres révolutionnaires en cours et à venir.

Pour résumer : se battre aujourd’hui pour la Palestine, c’est aussi se battre pour la révolution prolétarienne mondiale, pour les camarades d’Inde et tous les camarades qui ont pris les armes hier et aujourd’hui contre l’impérialisme, et ceux qui les prendront demain. Cette tâche est aujourd’hui vitale. Lutter pour développer un puissant mouvement anti-impérialiste constitue un réel appui à la Palestine et à nos frères et sœur opprimés du monde entier. Les guerres de libération nationale aujourd’hui sont les prémices des futures guerres régionales, ces dernières étant l’étape préliminaire à la future guerre inter-impérialiste directe et donc mondiale1.

Ce n’est qu’au milieu de ces turbulences que les contradictions seront résolues et dépassées, et ainsi la libération de la Palestine et l’émancipation de l’humanité adviendront.

Notre tâche principale, la reconstitution de notre Parti

Mais ceci n’est pas le principal. Le principal est de développer la révolution dans nos pays, car quel plus puissant allié pour la Palestine qu’un état socialiste ? Ainsi, nos efforts dans cette lutte doivent servir à préparer ou développer l’instrument, l’état-major de la classe ouvrière : le Parti Communiste, afin d’œuvrer à sa reconstitution et ainsi développer l’arme qui abattra l’impérialisme. Bien sûr cet aspect est lié à la lutte anti-impérialiste, mais le principal est de nous servir de cette lutte afin de reconstituer le Parti Communiste. Toutes les luttes que nous menons, si elles ne visent pas à prendre le pouvoir, restent donc très limitées et sujettes à un balayement violent de la part de l’État. Nous ne devons pas seulement lutter pour que la France cesse de vendre des armes à Israël, nous devons lutter pour prendre le pouvoir et pouvoir armer la résistance. Nous ne devrions pas seulement lutter pour que la France punisse les soldats « franco-israéliens », mais empêcher et enfermer tout Français souhaitant aller en Palestine occupée autrement que pour soutenir la résistance et le peuple palestinien. Nous ne devrions pas seulement lutter pour organiser un mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, mais bien développer une organisation, un mouvement politique de défense de la Palestine et de lutte contre l’impérialisme. Ceci est notre tâche et doit s’appuyer sur une mobilisation, une politisation et une organisation toujours plus fortes, nombreuses et profondes des masses prolétaires.

Une nouvelle période s’ouvre

L’époque est favorable aux révolutionnaires et aux communistes. Nous assistons à la fin d’une époque pour « l’islam politique », une fin d’une époque pour la Oumma2, loin de la révolution islamique en Iran, des années 1970, de la période florissante de l’islam politique dans ses différentes composantes mais comme force d’opposition à l’impérialisme. Aujourd’hui est la fin d’une époque et le début d’une autre. Les États arabes, les savants, les élites, les États comptabilisant nombre de musulmans – à l’exception des ceux cités précédemment – n’ont pas levé le petit doigt pour défendre Gaza, et par extension une partie de la Oumma. Ils n’ont pas levé le petit doigt même pour leur lieu saint, Jérusalem, et sa mosquée d’Al Aqsa, et cela ne sera oublié ni par l’Histoire, et encore moins par les masses arabes.

Abu Obeida, porte-parole militaire des Brigades Ezzedine Al-Qassam, a donné un discours le 18 juillet 2025. Voici quelques extraits traduits en français :

« Et nous disons à l’Histoire, avec toute l’amertume et la douleur, et devant tous les enfants de notre nation :
Ô dirigeants, élites, partis, savants de la nation islamique et arabe : Vous êtes nos adversaires devant Dieu. Vous êtes les adversaires de chaque enfant orphelin, de chaque femme endeuillée, de chaque déplacé, exilé, blessé ou affamé. Vous avez le sang de dizaines de milliers d’innocents sur les mains, trahis par votre silence. Et cet ennemi criminel et nazi n’aurait pu commettre ce génocide en votre présence sans être assuré de votre impunité, de votre silence, et d’avoir acheté votre abandon. Nous ne disculpons personne de la responsabilité de ce sang qui coule. S’il avait été confronté à la fierté de l’Islam et à la noblesse arabe, il aurait été défait. Mais c’est la décadence… Que les yeux des lâches ne connaissent pas le sommeil. »

Assurément cela ne sera pas sans répercussion, et les prochaines années nous le révéleront. Cela ouvre davantage de portes à des alliances plus favorables aux communistes. Cela ouvre également la voie à ce que le peuple et les anti-impérialistes sincères voient que leur salut est dans l’organisation comme force sociale collectivement contraignante, et non dans les mains de pseudo élites religieuses ou chefs d’État. Les puissances populaires aujourd’hui religieuses musulmanes luttant contre impérialisme ont un caractère anti-impérialiste assumé et prononcé, et luttent les armes à la main pour l’indépendance nationale, et non pour un califat3. Assurément le développement futur de l’islam politique reposera sur une différenciation entre deux pôles : d’un côté l’anti-impérialisme de plus en plus assumé, de l’autre secondairement l’intégration et la liaison d’une partie avec l’impérialisme. Mais le principal est que la polarisation s’accentuera, et aura donc de nombreuses convergences avec le mouvement révolutionnaire. À lui de savoir se lier avec, car nous sommes dans une époque d’opportunités historiques.

L’islam est la plus jeune des trois grandes religions monothéistes, la plus vigoureuse et enracinée dans le peuple. Une des spécificités du caractère de l’islam réside en outre dans le fait que depuis plus d’un siècle, l’ensemble du monde musulman a été exploité par l’impérialisme ouest-européen. L’islam a été et reste une religion opprimée et défensive ; cette oppression a généré un profond sens de la solidarité, doublé d’un fort désir d’émancipation. Les révolutionnaires doivent donc – à l’inverse des impérialistes qui se sont servis de la religion pour séparer les peuples, justifier leur attaque, le démembrement et le pillage de régions entières – s’unir avec les prolétaires et paysans, et les peuples opprimés musulmans ; analyser l’aspect principal de nombreux mouvements de résistance, qui sont avant tout nationaux avant d’être religieux ; et comprendre le rôle et l’impact de l’islam dans le tissu social et de résistance des peuples opprimés du monde arabe, afin de s’en servir, tisser avec des liens solides avec, pour mettre à bas l’impérialisme.

Dans cette nouvelle période, où les conditions sont plus que favorables, où les conditions objectives sont déjà présentes et tendent de plus en plus à l’être totalement, notre rôle est de développer le facteur subjectif4, comme force collective, consciente et organisée. Ceci afin de reconstituer nos Partis Communistes dans chaque pays, initier dans les plus bref délais la révolution, et au travers de cette lutte développer notre organisation internationale afin de lutter épaule contre épaule avec nos frères de Gaza comme ceux du Pérou, d’Inde, des Philippines, de Turquie, du Brésil et tous les révolutionnaires et anti-impérialistes se préparant à remporter la victoire ou la victoire !

Ainsi seulement nous servirons la lutte anti-impérialiste et soutiendrons la belle et héroïque résistance nationale palestinienne et arabe, jusqu’à la victoire totale.

1 Les guerres de libération nationale augmentent les tensions dans les semi-colonies des impérialistes, qui cherchent à protéger leurs zones d’exploitation. Celles-ci mènent inévitablement à des guerres régionales menées par les impérialistes, directement ou par « proxy » (procuration), pour tenter d’endiguer le flot. L’augmentation générale des tensions au sein de chaque puissance impérialiste, ainsi qu’entre les différentes puissances impérialistes (tensions inter-impérialistes), peuvent mener à la guerre inter-impérialiste mondiale.

2 La « Oumma », c’est la communauté des croyants musulmans à l’échelle mondiale, indépendamment de leur pays. Elle a été un élément important dans la lutte du monde arabe contre l’impérialisme en mobilisant les masses musulmanes de différents pays autour de l’islam politique, avec la vision de la Oumma comme nation.

3 C’est-à-dire que les mouvements populaires musulmans actuels, bien que religieux, se battent d’abord pour libérer leur pays de la domination impérialiste. Leur combat est principalement pour la libération nationale.

4 Les facteurs objectifs sont les conditions réelles, matérielles, de la société : étape du capitalisme (aujourd’hui, l’impérialisme), la crise de l’impérialisme, le niveau d’exploitation… Les facteurs subjectifs sont les éléments liés à la conscience et à l’organisation politique des masses. Les deux doivent être réunis pour le développement la révolution prolétarienne.

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