Rapport sur les Frères musulmans : quel est le plan de l’État bourgeois ? 

Le 25 mai, le ministère de l’Intérieur a rendu public un rapport discuté le matin même en conseil de défense, portant sur les « Frères musulmans » et « l’islamisme politique » en France. De quoi parle-t-on ? 

Les « Frères musulmans » sont une organisation politique internationale panislamiste, fondée en Égypte en 1928, présente surtout au Moyen-Orient. Aujourd’hui très éclatée, l’organisation n’a plus de réel centre dirigeant et compterait au maximum quelques centaines de membres en France.

Alors, que dit le rapport ? Sur la forme, ses 76 pages collent ensemble des statistiques, un historique du mouvement, et des « informations inédites » sur son ampleur dans diverses villes. Il reprend le mot d’ordre selon lequel les Frères musulmans voudraient « en définitive instaurer la charia » mais n’étend pas cette idée à tous les musulmans. Il y a donc une contradiction entre les hauts fonctionnaires de l’État qui écrivent une chose, et les membres du gouvernement, Retailleau en tête, qui s’en servent pour développer une campagne islamophobe dans les médias. Voilà pourquoi le ministre de l’Intérieur a été recadré par Macron, qui représente l’intérêt de l’État bourgeois. Car l’idée d’un « complotisme d’État » contre les musulmans est l’arbre qui cache la forêt. Le fond de l’affaire, c’est que l’État va se servir de ce rapport pour détruire méthodiquement, de l’intérieur et de l’extérieur, la base économique et sociale du frérisme en France (déjà bien faible) pour se faire la main avant d’attaquer d’autres mouvements (le salafisme, déjà mentionné dans le rapport, mais aussi tout mouvement politique contestataire – ce qui est sa visée stratégique).

C’est pour cela que le rapport se focalise sur la structuration des « écosystèmes », les diverses organisations qui seraient dans le giron des Frères musulmans. Il définit bien que les Frères musulmans sont « principalement issus de la classe moyenne [et] nourrissent un désir d’ascension sociale » et qu’ils visent une certaine excellence scolaire. Pour former une petite bourgeoisie intégrée et éduquée, toute une série d’organisations sont nécessaires. C’est ainsi qu’on vise des commerces spécifiques, le business halal, la solidarité communautaire et associative via la mosquée ; ou l’éducation, avec les écoles sous contrat, l’apprentissage de l’arabe, du Coran, etc. Le rapport note aussi les millions d’euros qui circulent via les œuvres de charité, l’accueil parascolaire, les voyages, les librairies, le sport, les programmes de développement personnel, d’aide à l’emploi, etc. Il est aussi question des relations entre acteurs politiques locaux et figures musulmanes (imams ou non) pour des deals politiques et économiques. Un an avant les municipales de 2026, ce n’est pas anodin.

L’objectif clair de ce rapport est de permettre de démanteler ces « écosystèmes » par des dissolutions, des dénonciations d’individus et de groupes, des fermetures de mosquées, des révocations de bail locatif au niveau public, des interdictions de se réunir, des coupures de subvention, des procès etc. Tout ça pour casser une organisation relative de la petite bourgeoisie musulmane et développer la campagne réactionnaire contre les musulmans d’un côté, et tout ce qui est organisé de l’autre. Ce qu’il faut bien comprendre en tant que révolutionnaires et démocrates qui refusent le traitement que la bourgeoisie réserve aux musulmans, c’est que si d’un côté il y a les lubies d’un Retailleau, de l’autre l’État bourgeois ne veut pas frontalement attaquer les millions de musulmans en France. Pour assurer ses plans, il est bien plus important d’avoir un appareil répressif capable de frapper administrativement « là où ça fait mal », c’est-à-dire dans les entreprises, les associations et tout ce qui sert de base matérielle à un mouvement. C’est un développement dans la droite lignée de la « loi séparatisme » de 2021 qui préparait les campagnes de répression sur les mouvements « non-républicains ». Tout mouvement révolutionnaire digne de ce nom ne peut que s’y opposer et hausser son niveau de préparation à ce qu’une telle campagne s’abatte sur lui.

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