L’État n’est pas un arbitre neutre garant de la justice universelle mais bien l’expression concentrée du pouvoir d’une classe dominante. Son appareil juridique et policier constitue un instrument de coercition visant à imposer et maintenir les rapports de production existants et à réprimer toute contestation populaire. Comme l’affirmait Lénine dans L’État et la Révolution, « l’État est un organe de domination de classe, un instrument d’oppression d’une classe par une autre ». C’est dans ce cadre que doivent être analysés les récents événements survenus au Maroc autour du mouvement Génération Z 212, qui ont clairement démontré comment le régime antipopulaire, antidémocratique et antinational et son ordre établi, politique et social, sont l’expression des droits de la classe dominante qui se maintient principalement grâce à la répression par le biais de sa police, de l’armée et de sa justice de classe.
Un contexte de révoltes sociales permanentes et explosives avec une seule réponse de l’Etat réactionnaire : la répression !
Les dernières révoltes initiées fin septembre 2025 par les jeunes du mouvement Génération Z 212 ont émergé d’une profonde crise sociale et économique dont les indicateurs sont multiples avec un chômage de masse, une crise structurelle des services publics, une pauvreté endémique dans les campagnes, le tout accompagné d’inégalités et d’injustices économiques et sociales criantes. Plutôt que de répondre aux revendications justes et légitimes de la jeunesse, l’État a opté, dès le départ, pour une stratégie de criminalisation de cette lutte populaire en interdisant les rassemblements, en bloquant l’accès aux lieux publics et en lançant des campagnes de dénigrement. Cette politique autoritaire a débouché sur une répression massive et systématique des manifestants, contrevenant par-là de manière flagrante à la soi-disant Constitution marocaine et aux soi-disant engagements du régime pris sur le plan international à respecter les droits fondamentaux à la liberté d’expression et au droit de manifester pacifiquement.
Recensement des violations et exactions commises
Les militants ont recensé de très nombreuses violations graves entre le 27 septembre et le 10 octobre 2025 et ont relevé :
- Un usage excessif et disproportionné de la force avec des tirs à balles réelles par la Gendarmerie Royale à Lakliâa, causant la mort de trois jeunes hommes et de nombreux blessés graves. Par ailleurs, à Oujda, deux manifestants ont été percutés par des véhicules policiers.
- Des violences physiques et psychologiques importantes provoquées par des coups, des humiliations, des propos dégradants et des harcèlements sexuels à l’encontre de femmes et des mineurs arrêtés. A noter également des arrestations arbitraires massives avec plus de 5000 personnes arrêtées, dont de nombreux mineurs : ces arrestations ont eu lieu souvent de nuit, sans mandat d’arrêt ordonnés par des juges et sans respect des procédures judiciaires légales – signe d’une justice d’exception qui devient la règle.
- Des procédures illégales et contraires aux conventions internationales avec des procès-verbaux falsifiés, des aveux extorqués sous la contrainte, des auditions de mineurs sans représentants légaux, des accusations portées sans aucune preuve.
- Une atteinte au droit fondamental d’avoir un procès équitable avec le refus d’avoir recours à un avocat, une présentation groupée des prévenus, des jugements expéditifs et des peines sévères allant jusqu’à 15 ans de prison ferme.
- Une criminalisation de la liberté d’expression avec des arrestations pour simplement avoir posté des publications sur les réseaux, pour avoir imprimé des slogans démocratiques sur des t-shirts ou pour avoir scandé des slogans de soutien au mouvement.
- Une répression du droit à informer et à militer avec la confiscation du matériel de journalistes, l’empêchement pour ces derniers de couvrir les événements et des poursuites engagées contre des défenseurs des droits humains et des activistes de gauche.
Quelques chiffres de la répression judiciaire et politique
Les chiffres relèvent une justice d’exception répressive et expéditive face aux contestataires aux revendications justes et légitimes : ainsi, plus de 240 condamnations ont été prononcées pour le seul jour du 22 octobre 2025. Nombreux ont été le verdict prononçant des peines lourdes et disproportionnées avec :
- 4 condamnations à 15 ans de prison
- 1 condamnation à 12 ans de prison
- 31 condamnations à 10 ans de prison
- 3 condamnations à 6 ans de prison
- 2 condamnations à 5 ans de prison ferme
- Des centaines de peines allant de 3 mois à 1 an de prison pour des participations à des manifestations non autorisées.
- 1 473 personnes placées en détention provisoire et plus que 1000 laissées en liberté conditionnelle.
Parmi les cas les plus emblématiques, on peut relever le cas de :
- 17 détenus de Khmiss Aït Amira cumulant à eux seuls 162 ans de prison
- 33 détenus d’Inzegane, Taroudant et Tiznit cumulant à eux seuls 260 ans de prison.
Ces chiffres traduisent toute la violence de cet Etat répressif et coercitif, tant sur le plan physique qu’institutionnel, où la justice joue tout le rôle qui est le sien : celui d’être le bras armé du pouvoir réactionnaire en place.
Une logique de terreur généralisée, étatique et légalisée
L’invocation récurrente de la « sécurité publique » masque une stratégie de dissuasion collective. Ce tout sécuritaire passe par le musellement de la presse, par la surveillance numérique et la confiscation systématique des téléphones ; cette digitalisation du contrôle étatique est aujourd’hui l’expression la plus moderne de cette logique de terreur. Par ailleurs, le recours au droit pénal devient un instrument de peur et de contrôle social : assigner, contrôler, intimider, punir, condamner. Cette « légalité de la répression » révèle la fonction réelle du droit dans les sociétés réactionnaires dépendantes de l’impérialisme : non pas protéger les masses populaires et les réhabiliter dans leurs droits mais préserver la stabilité des rapports d’exploitation et de domination au service des classes dominantes et de l’impérialisme.
Conclusion – Des libertés syndicales et politiques confisquées !
Ce rapport illustre non pas une répression ponctuelle et momentanée d’un Etat contre des manifestants mais révèle bien la nature même de ce régime réactionnaire au service des classes dominantes et de l’impérialisme : celle d’un régime recourant à une répression systématique et structurelle faite de violences institutionnelles pour le démantèlement progressif des acquis populaires en matière de libertés syndicales, politiques et citoyennes. Sous couvert de légalité, l’État érige le droit en instrument de coercition et consacre une politique de peur et de soumission, criminalisant toute expression populaire de la jeunesse, des travailleurs et des masses populaires.
Tant que les rapports de production et de pouvoir demeureront inchangés, la violence d’État persistera sous de nouvelles formes. Comme le rappelait Marx, « La violence est l’accoucheuse de toute vieille société grosse d’une société nouvelle ». Le combat pour la liberté et la dignité des jeunes de la Génération Z 212 s’inscrit ainsi dans une lutte plus large pour l’émancipation nationale, économique et sociale des masses populaires et la fin du monopole des classes dominantes et de l’impérialisme sur l’appareil d’État.


