La France bruissait ces derniers jours d’un débat : la fameuse taxe Zucman – une mesure suggérée par Gabriel Zucman, Olivier Blanchard, Jean Pisani-Ferry, etc., qui préconise un impôt plancher de 2 % par an sur le patrimoine des ménages possédant plus de 100 millions d’euros, si les impôts déjà payés ne représentent pas ce seuil.
Mais, comme souvent, l’enthousiasme médiatique dissimule la petite taille de la cible, et le petit pouvoir réel de la mesure – du moins dans l’état actuel des choses.
Elle ne vise, au mieux, que quelques centaines, voire quelques milliers de foyers très riches – dans les estimations, tout juste quelque 1 800 familles seraient concernées. Même si ces fortunes sont gigantesques, les 2 % de leur patrimoine restent un prélèvement modeste par rapport à l’ampleur de ce qu’elles possèdent. Si on prend Arnault, Pinault, etc., on est dans des dizaines milliards et des centaines de milliards : un prélèvement de 2 % peut certes faire mal à l’égo, mais pas fondamentalement à leur position de classe.
Cette mesurette, qui fait partie des idées qui reviennent sur le devant de la scène à chaque fois qu’il faut trouver de l’argent, ne changerait fondamentalement rien au mode de production, et elle ne rapporterait même pas tant d’argent à l’État. Au fond, ce serait une taxe « symbolique », comme l’ISF l’était, portée par une certaine gauche qui fait son fond de commerce avec ces lois « porte-étendard » alors qu’elle freine de tous les côtés quand il faut faire plus.
Mais aussi modeste soit la mesure, les cris de révolte qu’elle déclenche du côté patronal sont révélateurs. Oui, le Medef, la CPME, Bernard Arnault et autres s’en mêlent. Le fait même que le MEDEF s’oppose avec véhémence montre que la bourgeoisie craint que la pente commence à être glissante. Elle ne peut plus accepter de concessions, même maigres, sans donner l’impression de faiblesse. Parce que la crise est là : les déficits, la dette, la pression sociale, la concurrence internationale – tout cela creuse la fissure.
Quelques exemples :
- Le patron de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, hurle que “c’est communiste”, que c’est “hystériser le débat”.
- Bernard Arnault prévient d’une “offensive mortelle pour notre économie”.
- La CPME parle d’“aberration” et de “bombe à retardement”.
Ces paroles ne sont pas anodines : elles signifient que les bourgeois perçoivent une menace potentielle – non seulement pour leur portefeuille, mais pour l’ordre social. Si un impôt plancher de 2 % devient possible, pourquoi pas un impôt de 5 %, pourquoi pas une taxation continue plus forte, pourquoi pas la remise en cause de la propriété privée ? C’est pour cela qu’ils hurlent au communisme !
La période est idéale pour lutter pour obtenir beaucoup, beaucoup plus que ces miettes de 2 %. La crise de régime qui se développe va pousser les bourgeois et leurs partis à sortir du bois, car ils savent qu’ils doivent faire peser le poids de la crise sur les masses en coupant dans les budgets de l’État et en augmentant les impôts, mais personne ne veut avoir à le faire. Alors tout le monde dira du bout des lèvres qu’il faut taxer les riches car c’est ce que 8 ou 9 français sur 10 pensent – c’est-à-dire tout le monde à part ceux qui sont ou s’imaginent riches ! Mais au final ils joueront aux chaises musicales pour êtres les derniers à faire des propositions dans ce sens, pour ne pas troubler les donneurs d’ordres bourgeois. Et c’est bien en ce sens que le « grand événement patronal » du 13 octobre appelé par le MEDEF est une honte absolue et un bras d’honneur lancé à toutes les masses qui, elles, travaillent réellement à faire autre chose que des effets de com’ et des réunions dans des bureaux. La bourgeoisie pleure des chaudes larmes de crocodile pour 2 %, attendons-nous à un visage bien plus sombre quand la Révolution Socialiste viendra tout leur prendre !


