En novembre 2024, le ministère de l’Intérieur commence à préparer la dissolution de la « Brigade Loire », un groupe de supporters du Football Club Nantes. Ce sont ensuite deux groupes de Saint-Etienne, les « Magic Fans » et les « Green Angels », qui sont menacés de dissolution. La mobilisation collective de 163 groupes de supporters et la solidarité participe à la fin du « feuilleton » : aucun groupe ne sera dissout.
Depuis plusieurs années, les groupes de supporters sont régulièrement visés. Et, à travers eux, les droits démocratiques du peuple. Les groupes d’ultras ont en effet un double aspect. D’un côté, ce sont des organisations de masses, c’est-à-dire des formes d’organisation collective avec des valeurs qui peuvent être progressistes, qui vont dans le sens de l’organisation du peuple. De l’autre, ces groupes ont aussi des aspects réactionnaires, élitistes, parfois violents, qui les isolent du reste des masses populaires. Mais dans ce que l’État bourgeois attaque, il y a principalement le facteur « organisé », celui où des dizaines, des centaines ou des milliers de personnes portent un projet collectif constitué d’actions, happenings et événements dans et en dehors du stade.
Construit comme une « contre-société » en marge, ces groupes ont longtemps servi d’exercice aux forces de répression pour briser les mobilisations collectives ; c’est contre les groupes de supporters qu’ont été testées toutes les armes de la police anti-émeute : flash-balls, lacrymogènes, drones de surveillance, caméras dotées d’intelligences artificielles… Il faut ajouter à cela tous les arrêtés préfectoraux, les sanctions administratives, les interdictions de déplacement et de territoires, etc. Lorsqu’ils sont coupés du reste de la société et des forces démocratiques, les groupes ultras doivent lutter seuls face à la répression, ce qui en fait des adversaires de choix pour préparer la police aux révoltes.
Donc, en attaquant ces groupes, l’État attaque avant tout les droits qu’il prétend garantir, comme la liberté de réunion et d’association. Car les groupes ultras représentent une culture populaire collective. La violence dont ils sont accusés a elle-même deux faces, dont la plus importante est le refus des lois bourgeoises, de la police, de la coercition par l’État bourgeois. Les ultras veulent « le foot le week-end pour des stades en vie » ; et refusent un ordre qui « aseptise les stades et les vies ». Ils revendiquent tous la présence en tribune populaire, dans les virages, où les places sont les moins chères, où tout type de public peut être présent. Ces aspirations démocratiques se réalisent sur le terrain quand, dans la ville de Saint-Etienne en mars 2025, 10 000 personnes marchent unies contre la dissolution des groupes ultras du club.
Dans le monde entier, les groupes ultras se sont mêlés aux grands mouvements de la lutte des classes. Lors des révoltes de 2011 en Égypte, de Gezi Park en Turquie en 2013, ils ont pris une part active dans le mouvement. Ce fut aussi le cas lors du mouvement des Gilets jaunes en France, où encore à Buenos Aires (Argentine), où des groupes ultras pourtant rivaux se sont unis pour défendre des manifestations de retraités contre les baisses des pensions face à la police. Les exemples sont légion. Mais le principal n’est pas dans les spécificités du milieu ultra ou dans le sport. C’est dans le fait que l’organisation collective la plus basique, pourtant tournée avant tout autour d’un divertissement et pas d’une lutte, est attaquée et remise en question au nom de l’ordre bourgeois. C’est cela que l’État bourgeois français veut détruire : toutes les forces organisées des masses, pour qu’elles repartent à zéro à chaque mouvement de la lutte des classes. Mais c’est une impossibilité car l’histoire ne revient pas en arrière : les réactionnaires, une fois de plus, ne peuvent qu’échouer dans leurs plans.