Robert Prévost est devenu le 8 mai 2025 le pape Léon XIV. La mort du précédent pape avait, comme à chaque fois, donné lieu à de nombreuses spéculations sur la nouvelle orientation de l’Église catholique : François était en effet massivement perçu comme un pape progressiste. L’occasion de s’intéresser à ce que représente la figure du pape à notre époque, celle de l’impérialisme en crise.
S’intéresser à la question du pape, la tête de l’Église catholique, peut sembler lointain aux révolutionnaires de France, un pays où l’athéisme est largement répandu. Pourtant c’est une question importante car, en réalité, les masses du monde sont largement croyantes. L’Église catholique a ainsi un pré carré en Amérique latine, où se trouve près de la moitié des 1,2 milliards de catholiques dans le monde.
Rappelons d’abord l’historique récent des souverains pontifes : Jean-Paul II (1978-2005) et Benoît XVI (2005-2013), deux papes ouvertement réactionnaires, le second ayant même été aux Jeunesses hitlériennes ; puis François, choisi en 2013, qui semblait faire figure d’exception, avec ses prises de paroles en faveur des homosexuels, des migrants et des femmes. Sa reconnaissance des victimes de crimes pédophiles commis par des religieux au sein de l’Église a ainsi participé à sa popularité. De quoi faire oublier aux croyants sa tolérance, voire sa collaboration avec la dictature militaire en Argentine, qui a enlevé, torturé et fait disparaître 30 000 personnes. Voilà qui était François et ce qu’il a permis à l’Église, au moment de son élection : contenter en apparence les fidèles sincères réclamant certains changements dans une institution contre-révolutionnaire verrouillée, tout en continuant en réalité à jouer son rôle dans le maintien l’ordre impérialiste. Si ses prises de positions pour la Palestine ont parlé aux masses du monde, elles n’auront fait qu’agacer au Vatican.
Douze ans plus tard, le choix de Robert Prévost montre là où en est l’Église aujourd’hui : la main a assez caressé les croyants, il s’agit maintenant de les guider à nouveau vers les intérêts de la bourgeoisie. Le nom Léon XIV en dit long : le précédent pape Léon, Léon XIII, est l’auteur de « Rerum Novarum », une encyclique (c’est-à-dire qu’un texte de doctrine de l’Église pour guider les fidèles) qui a développé en 1881 la question du rapport entre capital et travail. On peut y lire : « Le droit de propriété, que la loi civile doit garantir, a son fondement dans la nature même de l’homme. »
Si le Vatican existe encore aujourd’hui, dans toute la diversité des mouvements qui le traversent, à l’ère où la superpuissance hégémonique yankee fait et défaits des États et des gouvernements selon ses intérêts, c’est bien parce qu’il sert avec zèle les plans des impérialistes. Eux ont besoin de poursuivre le désarmement idéologique des peuples opprimés : l’Église s’assurera de consoler l’esclave plutôt que de l’encourager à se révolter. Car si elle encourageait les peuples opprimés à chasser l’impérialisme de leur pays, elle aussi en finirait chassée.
Pourtant, il faut rappeler que cette critique ferme de l’Église catholique ne doit pas séparer le révolutionnaire des masses croyantes. Lénine écrivait : « Un marxiste est forcément tenu de placer le succès du mouvement de grève au premier plan, de réagir résolument contre la division des ouvriers, dans cette lutte, entre athées et chrétiens, de combattre résolument cette division. Dans ces circonstances, la propagande athée peut s’avérer superflue et nuisible, non pas du point de vue banal de la crainte d’effaroucher les couches retardataires, de perdre un mandat aux élections, etc., mais du point de vue du progrès réel de la lutte de classe qui, dans les conditions de la société capitaliste moderne, amènera les ouvriers chrétiens à la social démocratie et à l’athéisme cent fois mieux qu’un sermon athée pur et simple. Dans un tel moment, et dans ces conditions, le prédicateur de l’athéisme ferait le jeu du pope, de tous les popes, qui ne désirent rien autant que remplacer la division des ouvriers en grévistes et non grévistes par la division en croyants et incroyants. »