Réindustrialisation : comment l’impérialisme français se prépare à la guerre

La question de la politique de réindustrialisation portée par le gouvernement français et la bourgeoisie depuis plusieurs années peut paraître bien mal embarquée, lorsque l’on voit que la CGT publie en mai 2025 une carte qui liste plusieurs centaines de plans sociaux – dont 10 % rien que pour la seule industrie automobile en France.

Comment les capitalistes peuvent-ils vouloir réindustrialiser tout en licenciant et en fermant des sites de production ? 

Déjà, il faut voir que plus d’usines ouvrent et s’étendent, environ 300 par an, bien que la dynamique baisse avec la crise économique. La réindustrialisation est une nécessité pour la bourgeoisie dans le cadre de la contradiction qui oppose les puissances impérialistes entre elles : le COVID d’abord, puis l’invasion russe en Ukraine, ont montré que les années à venir seraient décisives pour la restructuration économique. La bourgeoisie française a constaté qu’elle ne pouvait pas produire de masques pendant la pandémie, ce qui est un problème quand son plan est de pouvoir produire des munitions et des obus en masse.

L’entreprise Capgemini a interrogé 1 300 dirigeants exécutifs de monopoles de puissances impérialistes européennes (dont la France) et nord-américaines, sur la réindustrialisation. Si le premier rapport, en 2024, notait essentiellement que les grands cadres de la bourgeoisie étaient unanimes sur la nécessité de réindustrialiser et sur le retour d’emplois industriels dans les pays impérialistes, le rapport de 2025 précise beaucoup de choses.

Des années de transition industrielle à venir

En synthèse, le rapport indique que les prochaines années vont être une transition industrielle où des industries stratégiques (armement, défense, électronique de pointe, énergie/batteries) vont être relocalisées partiellement ou intégralement, avec un certain tissu d’industrie légère ou de consommation qui pourra servir à l’effort d’une économie de guerre (comme l’agroalimentaire). Une partie importante de l’industrie lourde sera « relocalisée chez des amis », c’est-à-dire des pays voisins plus proches que l’Asie du Sud, où les impérialistes peuvent contrôler les chaînes d’approvisionnement et les salaires : pour les impérialistes d’Europe ça sera notamment le Maghreb et l’Europe de l’est. L’industrie lourde stratégique pour les impérialistes vise quant à elle à être fortement subventionnée dans un deal avec les grands groupes.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le sommet « Choose France », où 40 milliards d’euros d’investissement ont été annoncés au mois de mai. Un exemple de cette tendance dans le privé est le groupe Europlasma, qui reprend depuis 2021 des fonderies et forges à travers la France pour faire passer leur production à celle d’obus.

L’impérialisme français et la bourgeoisie française développent leur politique de réindustrialisation au milieu d’une situation économique en crise. Les monopoles jouent au poker menteur avec l’État pour garantir qu’ils s’en sortent le mieux face aux concurrents. Si l’immense majorité de la bourgeoisie est d’accord pour payer un « prix premium » afin de relocaliser une partie de la production, elle souhaite avant tout le faire financer par leur État plutôt que de le sortir de leur poche. La crise de la dette gêne la réindustrialisation car elle empêche l’Etat de soutenir les capitaux. Pour gérer cela, les capitalistes ont déjà commencé à faire payer la crise aux masses par l’inflation depuis plusieurs années, ce qui engendre la lutte pour les salaires dans les entreprises.

Le syndicat et l’organisation consciente de la classe

Dans cette course effrénée, ils transforment et créent la classe ouvrière de demain qui est la seule à même de conjurer la guerre qui est préparée par les impérialistes. Le mouvement de repli de la bourgeoisie, qui veut rapatrier ses capitaux pour mieux exploiter, va créer les bases pour un mouvement prolétarien qui doit porter haut son appartenance de classe et son internationalisme. Le syndicat, dans la lutte économique, sert à combattre cette politique de la bourgeoisie. Ainsi, le communiqué admirable des dockers de Fos-sur-Mer, qui refusent de charger des armes dans les bateaux et font réagir jusqu’à Macron, est un exemple parfait de cette tendance.  Le prolétariat français a besoin de reconstituer l’outil de sa lutte pour le pouvoir, sa forme suprême d’organisation, pour mener la lutte revendicative en fonction de la lutte contre l’Etat bourgeois.

Lire : A propos des appels à la « planification de la relocalisation » et aux « nationalisations » limitées ou totales

Voir aussi

Dernières actualités de la lutte