Alfortville, Val de Marne : devant le portail du siège de Chronopost, une soixantaine d’hommes tiennent le camp en plein cagnard. Hormis quelques syndicalistes d’autres branches venus en soutien, les grévistes sont tous des travailleurs sans papiers. Des camarades de la Cause du Peuple ont rencontré un délégué de la mobilisation.
En grève depuis le 21 juin, les travailleurs sans papiers de Chronopost tentent de faire valoir leur unique revendication : pouvoir être régularisés. Comme 73% des employés de la poste, ils sont pour beaucoup employés en sous-traitance via une boite d’intérim qui permet à la filiale de s’affranchir de tous ses droits : en plus des salaires qui ne dépassent pas les 600€ par mois pour cinq jours travaillés réellement, les cadences infernales, de très nombreuses heures supplémentaires non payées, les fins de missions signifiées à la moindre protestation sur un retard de paiement qui sont unanimement relatés par tous les grévistes… on constate vite que l’objectif de Chronopost et de l’agence est de déroger aux législations les forçant à délivrer des documents au bout de plusieurs mois de travail, dix-huit exactement, où ils doivent théoriquement embaucher les employés sous-traités.
En effet, dès que l’échéance approche, les missions d’intérims ouvriers sont systématiquement terminées peu de temps avant et le travail est repris, à zéro, quelques mois plus tard.
« Quand ils voient approcher les dix-huit mois et qu’ils savent qu’ils seront obligés de t’embaucher, ils vont te mettre en fin de missions quatre mois après, ils vont t’appeler pour que tu revienne ».
L’entreprise Chronopost (qui comme la Poste est majoritairement détenue par l’Etat), elle, se contente de nier en bloc et de rejeter les fautes sur la boite d’intérim (qui pourtant la servent bien), allant jusqu’à prétendre, en dépit de preuves vidéos en train de décharger les colis, et des messages reçus sur leur portables présentés par les ouvriers eux même, que les missions dont ils parlent n’ont jamais existé, et qu’ils n’emploient directement aucun « sans-papier ».
« Ils savent bien que nous sommes sans papiers quand il faut nous exploiter » rappelle un des ouvriers présents sur le site. Il est en effet bien plus simple d’abuser à outrance de quelqu’un qui risque l’expulsion à tout moment. ».
Entre les irrégularités des heures travaillés officiellement, le travail sous alias « avec les papiers d’un autre » en étant forcé d’attendre qu’un collègue pointe pour eux, les magouilles de la boite et le déni de l’entreprise, la seule manière de faire a fini par s’imposer d’elle-même : l’arrêt du travail. Avec l’aide d’un syndicat local (le CTSPV) et la mobilisation de la grosse majorité des travailleurs « sans-papiers » de l’entreprise, la grève s’est montée en peu de temps.
Depuis il y a eu plusieurs manifestations devant le ministère du travail et une devant la boite d’intérim, la direction de Chronopost qui n’a fini par accepter de recevoir une délégation qu’un mois après le début du mouvement continue de camper sur son déni. Mais le mouvement continue, depuis bientôt deux mois la grève ne diminue pas et les tentatives de la briser sont enrayés par la solidarité. Par ailleurs, le mouvements des Gilets Noirs est salué par beaucoup de travailleurs. Un ouvrier nous dit : « ils réclament la même chose que nous ». Certains des grévistes ont eux-mêmes participé au mouvement.
Chronopost est très loin d’être la seule entreprise à utiliser ce genre de méthode sur les travailleurs migrants. Ce sont des méthodes bien connues de celles et ceux qui travaillent en intérim. La situation précaire et la répressions des travailleurs sans papiers en France est de plus en plus intolérable. Il y a seulement quelques jours l’Office français de l’immigration et de l’intégration a supprimé la carte de retrait des allocations par une simple carte de paiement, afin de contrôler toutes leurs dépenses. Les situations comme celles des grévistes d’Alfortville, sous traités rappelons-le par une entreprise d’Etat, sont quant à elles totalement ignorées depuis des mois. Nous ne pouvons rien attendre d’un pouvoir capitaliste et raciste qui pave chaque jour un peu plus la voie au fascisme. Pour stopper cette situation, des mouvements comme cette grève ou celui de Gilets Noirs sont la réponse de la partie la plus exploitée et précaire des ouvriers en France.